De l'audace, et de la dérive : Marina Pirot

Marina Pirot est chargée de production. Elle organisait il y a quelques années la venue d'une équipe d'artistes pendant une année, à l'occasion des 50 ans de l'Université. Elle garde en tête cette importance première de « laisser art se faire » pour penser des réponses esthétiques au quotidien.

La réponse est dans le processus artistique pour Marina Pirot. Cette chargée de production était aux manettes de la résidence de l’équipe INTERIM pour fêter le demi-siècle du campus nantais. Elle met en premier plan le processus qui fait art, cette aventure à laquelle adhérer pour une création collective.

Concrètement, il s’agit pour cette experte des professions artistiques de reconsidérer la chaîne de production classique d’une œuvre : l’artiste réalise, l’institution valide, les publics essayent de comprendre, par l’intermédiaire de l’action culturelle. Elle, préfère associer dès le départ artistes, institutions (qui sont aussi des décideuses financières) et publics. Tantôt en partageant la création même avec les publics, tantôt en créant la médiation sans intermédiaires supplémentaires que ceux nécessaires à l’œuvre. Ce n’est pas une si petite évolution que ça.

Se pose la question de la place de l’artiste dans la société civile avec Marina Pirot. À commencer par sa dépendance certaine aux institutions publiques – aussi bien les Directions régionales des affaires culturelles que l’Université de Nantes dans notre exemple – et donc, son rôle de création dans un cadre donné. Ce qui pourrait faire de lui un prestataire, le rapprochant de la communication. Or, pour Marina Pirot, créer avec l’institution et les publics dépasse la simple commande : il en irait davantage d’une « aventure », faite de dérive et d’espaces pas si normés, pour voir éventuellement apparaître une résultante artistique. Ce qui n’est sans doute pas facile à « vendre » à des publics, comme des commanditaires éloignés de l’art, préférant la limpidité d’une communication bien faite.

L'art n'est pas qu'image

Il s'agit d'infiltrer le réel, de trouver de nouvelles modalités de consommation ou d'accès au savoir. Focus sur ces pratiques culturelles en vidéos, avec les témoignages de Marina Pirot, Caroline Urbain et Emmanuelle Bousquet.

D’autant plus qu’il y a Fluxus. Et pour Marina Pirot, l’héritage de cette mouvance artistique est réel : l’art ne se trouverait pas dans le résultat, mais dans sa cause et sa manière d’être composée. Une approche qui fait écho au manifeste pour un art de vivre coûte que coûte, lu dans ce documentaire par l’artiste Louise Hochet associée à une autre résidence plus récente sur le campus : « Art vivant, art utile ». D’ailleurs, Marina Pirot va jusqu’à penser un art sans autre résultat que celui généré par les rencontres, où la monstration n’est plus de mise. Elle résiderait dans l’expérience partagée avec les parties prenantes d’un projet, agrégeant et désagrégeant un imaginaire collectif.

Partir sur de bonnes bases

Pour Marina Pirot, un projet artistique est une aventure collective. Où la médiation et la communication doivent aller de pairs avec le sens donné au fait artistique sur un territoire.

Cette approche peut laisser perplexe, l’œuvre et sa présentation étant justement le moyen de lier l’artiste et les publics, de « faire médiation » comme d’autres, en particulier les musiciens, « font salon ». Ajoutons à cela la nécessaire prise en compte du commanditaire, dans une histoire collective d’invitation à créer sur les campus. C’est pourquoi l’audace est aussi au centre d’un projet d’artistes, intervenant sur le territoire, si possible avec la manière. Voilà de quoi composer un étrange équilibre, un jeu de funambules pour créer du sens entre les publics, les artistes et les commanditaires du travail artistique. On comprend mieux le « chargée » de chargée de production.