Philippe Chevrinais : à l'endroit du reverse graffiti

L'Université propose de découvrir l'art, peu connu, du reverse graffiti. Celui qui enlève, soustrait, pour dessiner sur les stigmates de la pollution. Portrait de Philippe Chevrinais, artiste pionnier.

Des airs de capitaine Haddock, dans son Trentemoult de toujours : Philippe Chevrinais, artiste plasticien, est un des pionniers du reverse graffiti. Lui, qui n’a jamais été graffeur, s’étonne des résultats produits par la soustraction de matière sur les murs salis par la pollution. Nous sommes au tournant des années 2000.

À cette époque, ils sont deux ou trois dans le monde à faire la même chose. Moose est en Angleterre, Orion au Brésil, et lui à Trentemoult, d’où l’on croise les touristes en goguette et quelques vestiges de cet ancien village de pêcheur, devenu quartier prioritaire de la gentrification nantaise. Philippe Chevrinais habite ici depuis une trentaine d’années, connaît les moindres recoins de cet écrin improbable, coincé entre les fastes de la nouvelle Nantes et le bitume de la zone commerciale « Atout Sud » ; pas de quoi perdre le nord pour cet artiste qui s’évertue à trouver la poésie dans les salissures et les champignons.

Dans l'atelier de Philippe Chevrinais

Qu'est-ce qu'apportent ces ateliers aux artistes ? Réponse en vidéo avec l'artiste, accompagné ici de Pierre Desvigne et Amaury Cornut.

Il faut le voir devant un mur. Cette émotion, cette manière de s’émerveiller des stigmates d’une peau de béton. C’est ce qui forge le caractère de cet étonnant personnage, souvent en ciré de marin quand il s’agit de révéler au monde environnant ce que cachent les murs ; souvent, il passe un temps long un manuel à la main. Pour recenser une par une les forces végétales en présence ;  on retrouvera ensuite leurs noms écrits au jet d’eau sur les parois de l’Université de Nantes, ou, comme lors de notre rencontre, sur le bâtiment de la présidence de l’Université. C’est là, non loin de l’héliport toujours urgent et des quais bruyants, que lui, tranquillement, attend.

Il attend aujourd’hui ses invités. Ceux qui à leur tour découperont dans le vinyle des formes de fleurs, ou des formes abstraites. Qui, le temps d’un instant, trouveront aussi poétique de faire apparaître de la vie depuis les rebuts des pots d’échappement en maniant, maladroitement, le kärcher, pinceau de circonstance. Philippe Chevrinais n’en est plus à son coup d’essai. Depuis de nombreuses années, lui et son ciré jaune sont régulièrement invités sur les campus de l’Université de Nantes pour transmettre cette pratique peu connue – le dessin soustractif en version française – aux étudiants ainsi qu’aux personnels de l’Université. Lui-même le dit : il ne pourrait pas faire tout, tout seul. À commencer par imaginer les illustrations qui seront ensuite « imprimées » sur les murs, et sujette aux affres du temps.

L'art de vivre l'art

Philippe Chevrinais fait partie de ces artistes aux vertus sociales, et génératrices de lien. Le voici en vidéo aux côtés d'autres créateurs de l'Université, en écho au manifeste pour « un art de vivre coûte que coûte »

Pour voir les travaux de Philippe Chevrinais, mieux vaut avoir l’œil affûté. Certains prendront leur café en terrasse à la cafétéria sciences en les voyant facilement ; d’autres devront passer la porte de la présidence, non loin de l’UFR de Pharmacie, pour découvrir les dernières créations de ce passionné, doublé d’une conscience écologique cultivée ; dans une époque qu’il qualifie de « mille-feuille », lui enlève, soustrait au monde des traces du passé.