La culture est de sortie, et elle est solidaire : Caroline Urbain

Associer culture et solidarité n'est pas toujours de mise dans les politiques culturelles. D'où un travail de terrain mené par Caroline Urbain, chercheuse à l'Université de Nantes, avec son association Sorties Solidaires.

C’est déjà le deuxième café, servi dans ces petits verres de cantines numérotés. La cohue ronronnante d’un nouveau midi au restaurant social Pierre Landais s’achève, l’entretien avec Caroline Urbain, chercheuse, peut commencer.

 

Confrère proche de Danielle Pailler, Caroline Urbain investit aussi le groupe de recherche « Valeur(s) » et se passionne pour les médiations culturelles. Plus particulièrement, l’accès de toutes et tous aux propositions culturelles foisonnantes à Nantes, y compris les publics en grande fragilité : notamment les sans-abris qui viennent prendre un repas chaud dans cette fabrique de l’avenir qu’est le restaurant social, à quelques pas des fastes aseptisés du quartier de la Création.

Se battre pour une culture pour tous

La médiation culturelle insiste sur une culture pour toutes et tous. Une culture commune pour partager autre chose, surtout des possibilités. C'est le sens donné à la politique culturelle universitaire, à découvrir en vidéo.

Le hasard fait parfois bien les choses

La vie bat son plein. Et avec elle, ce besoin de cultures et d’arts. C’est par la recherche-action que Caroline Urbain croise la route d’André Lebot, cheville ouvrière de l’équilibre du « restau’ » et retisseur de liens, quand la vie connaît des sinuosités souvent imprévues. Alors que la chercheuse souhaite travailler sur les médiations culturelles, le directeur lui amplifie les propositions et cherche à construire une dynamique culturelle de terrain avec les publics de Pierre Landais. Le hasard fait parfois bien les choses. De cette rencontre naît un vibrant témoignage de la manière de penser la culture pour toutes et tous.

En commençant par le début, c’est plus simple. Alors que les pratiques culturelles et artistiques sont définies comme « accessoires » ou « optionnelles » dans la réalisation de soi pour les sciences économiques et sociales, elles sont essentielles et constitutives de l’individu pour Caroline Urbain et André Lebot. Lui qui aime filer la métaphore insiste d’ailleurs sur cette phrase, revenant à plusieurs reprises dans son discours : « quand la vie ne tient plus qu’à quelques fils, il est urgent de retisser de nouveaux liens…l’art et la culture sont justement des métiers à tisser, à recomposer, pour vivre ». Caroline Urbain, qui a analysé quantitativement et qualitativement ces liens, entretenus entre le restaurant social et ses publics à durée plus ou moins déterminée, ne peut qu’étayer par les faits, et les anecdotes, le discours d’André Lebot.

La culture se doit-elle d'être gratuite ?

Parmi les grands débats des politiques culturelles, la gratuité tient le haut du pavé. À tort ou à raison ? réponse en vidéo autour des propos de Caroline Urbain, fervente militante de la gratuité.

Les précaires n’intéressent pas les industries culturelles

Elle en retient des enseignements qui ne font pas le consensus dans les politiques culturelles. À commencer par la gratuité, ici de mise. Pour elle, cette invitation n’est pas dénuée d’une contrepartie, elle est le déclencheur d’une médiation, qui passe aussi par l’accompagnement, et la restauration de l’être. Pour celles et ceux qui n’intéressent que peu les industries culturelles – les précaires – il s’agit aussi de trouver sa place, et surtout la prendre. Lucrèce Borgia comme Jamel Debbouze, peu importe pour la chercheuse ; il s’agit avant tout de pouvoir être là, dans la salle. D’ailleurs, elle intime aussi à tempérer la notion de « public contributif » ; la contribution serait déjà dans le fait d’assister, de casser la routine des jours pour faire le pas de côté et prendre part à une culture qui ne tend pas souvent la main aux personnes précaires. Un constat qui pousse d’ailleurs Caroline Urbain à conjuguer la culture au solidaire : avec l’association qu’elle préside, Sorties Solidaires, elle invite les artistes, avec Dominique A en parrain, à inventer une culture partagée, en reprenant un café. Ça tombe bien, le café est toujours chaud au restaurant social Pierre Landais.