Un virus d'intérêt artistique en pharmacie

L'art est peut-être un virus ; c'est en tout cas une contagion pour un atelier d'artiste et d'étudiants en quatrième année de pharmacie. Un subtil mélange d'art et de science pour montrer que la recherche est aussi créative que la création est chercheuse.

L’Université fait disparaître le concept de récréation pour subtilement parler d’intercours. L’intercours entre deux moments d’enseignements est cet espace de la machine à café, de la barre chocolatée et de la cigarette. Dans cet espace court, entre deux cours, les idées surgissent. Là, il est bientôt 14h, et c’est justement la fin d’un intercours. Déjà, certains s’affairent à finir le café en invoquant blouses blanches et paillettes. Bientôt, les étudiants rejoindront le petit laboratoire suranné de la faculté de pharmacie pour parler contamination, pétri, et infection. En créant directement des représentations artistiques, avec Magali Babin, artiste plasticienne. Une Unité d’Enseignement qui sera d’ailleurs notée, malgré son aspect optionnel. D’autres ont choisi le sport, eux, les dix d’étudiants réunis ce jeudi, ont choisi d’expérimenter l’art pour raconter la pharmacie. On en vient à se dire que même le cours fait ici figure de machine à inventer sa propre histoire avec les virus.

La poésie des virus

Une infection est donc poétique, pour Magali Babin et ces étudiants. Séance finale oblige, on s’affaire à régler minutieusement les derniers détails de son « projet », pendant que la caméra se balade, filmant quelques tatouages faits au feutre sur la hanche d’une, ou sur les espaces vitrés de la salle, elle-même en proie aux champignonnages et à l’effritement. À quelques minutes de la fin de quatre mois de résidence, ce petit atelier semble fonctionner en autonomie. Pendant que l’enseignante chercheuse Nidia Alvarez et Magali Babin, artiste associée, relatent ces derniers mois de friction virale et poétique.

Tout part d’une volonté commune. Celle de « remixer », recomposer le regard pour des étudiants que l’on ne pense pas forcément associer aux pratiques artistiques dans leur discipline. Nidia Alvarez prend d’ailleurs en considération la méthodologie, appliquée et vérifiée scrupuleusement. Il ne s’agit pas de faire du beau ici : mais de faire du sens, de proposer une lecture singulière.

De bonnes contagions

Le pari surprenant de l'art en pharmacie est une réussite : celle d'allier les pratiques aventureuses aux enseignements de quatrième année. Plus d'informations avec ces deux capsules vidéos.

Avant tout, il s’agirait de faire un pas de côté, sans qu’il soit ici question de « récréation artistique » pour Lucie Charrier du Fonds régional d’art contemporain, qui suivait pour le compte de l’institution ce projet. Il s’agit en fait, de conceptualiser les points communs entre un chercheur et un artiste : chacun dans sa discipline travaille à un protocole, pour ensuite aller et venir dans ses réalisations. La méthode expérimentale donc, les paillettes à la main sur la blouse immaculée, pour faire d’une varicelle un terrain à chercher et nourrir.

Commisaire en herbe

Jérôme a choisi cet atelier, aussi parce que les autres n’étaient « pas terribles ». Finalement, c’est une bonne surprise : on apprend ici à réfléchir et poser des choix, qui seront ensuite collectivement arrêtés pour le commissariat d’exposition. Lui qui a le verbe facile et le calembour bien senti, se révèle redoutable quand il s’agit de trouver un nom pour chaque proposition artistique de ces quatre mois d’ateliers. Dans la petite salle jouxtant le grand atelier, tous sont réunis. C’est l’heure de choisir les cartels qui seront présentés dans le hall de la bibliothèque universitaire en janvier. Nous sommes pour l’instant en décembre, et tout est à faire.

C’est à ce moment qu’on apprend la fabrique de l’exposition, l’importance de poser des choix. Pour l’occasion, Vanina Andreani du Frac, est présente. Par fines touches, les professionnels de l’art guident les étudiants vers la formulation de leurs propres travaux. Sans pour autant imposer leur vision. Entre les frétillements de papiers de bonbons et les rires, on se creuse les méninges pour essayer de faire comprendre aux autres ce qu’on a voulu faire.

La recherche : tout un art

Il y a bien des manières de créer. Et bien des manières de chercher. En partant d'une idée simple - chercheurs comme artistes ont des protocoles à rapprocher - l'Université organise des rencontres entre l'art et la recherche pour voir émerger de nouvelles idées, ici en vidéo.

Cette démarche artistique de bout en bout, est aussi celle d’une recherche et d’un enseignement. En cherchant l’association inédite d’une artiste, d’une chercheuse et d’étudiants en pharmacologie, il s’agit ici de recréer ce que la Direction Culture et Initiatives appelle de ses vœux : un triangle vertueux, groupant les publics à l’art et l’institution en levant des freins bien connus – la dialectique du « j’aime, j’aime pas » associée à celle du « ce n’est pas pour moi ». Ici, il est d’abord question de recherche, de protocole, ce que l’on enseigne aux étudiants pour leur avenir professionnel.

Ne serait-ce pas qu’une anecdote dans un cursus long, comme celui de pharmacie ? Sûrement. Mais c’est encore des anecdotes dont on se souvient le plus, et qui forgent aussi une culture commune. Ce moment précis, où on laisse de côté son quotidien et sa discipline pour faire un pas de côté vers autre chose. Vers quoi ? Difficile à jauger précisément. Reste ce subtil mélange d’art et de science, pour composer avec des terrains pas encore conquis.