La construction du vaisseau de rencontre

Les artistes, les chercheurs et les étudiants ont ce point commun : la recherche. Le pari est pris : croiser le regard de disciplines différentes sur le fait artistique pour créer ensemble.

« Être artiste, c’est s’inscrire dans un monde tel qu’il est » pour Vanina Andreani, au Fonds régional d’art contemporain. Hypothèse : les clichés ont la peau dure. Alors que l’art contemporain est bien souvent ce prisme divergent par lequel repositionner le regard sur ce que l’on vit, il est aussi celui qui exclut, trop hermétique pour laisser passer la lumière. Et ce ne serait pas que la responsabilité de l’artiste mais aussi d’une chaîne d’intermédiaires pouvant directement ou indirectement complexifier le rapport à l’œuvre : le lieu d’exposition, la manière de penser la médiation culturelle, et le regard porté par les publics sur l’œuvre.

Renversons les choses. Pour la Direction culture et initiatives, le choix est fait d’associer l’artiste, le chercheur et l’étudiant dans un objet convergent : la pratique artistique. Ici, la médiation culturelle existe, mais elle est plus souvent le fruit de l’artiste lui-même, plutôt que d’un tiers, le médiateur culturel. Ce court-circuit met chacun face à sa position dans l’édition d’un bien commun : l’artiste et les publics développeraient un rapport horizontalisé, en gommant quelques marqueurs psychosociaux pour se retrouver, avec une question en tête : que va-t-on faire ensemble ?

Inventer ensemble

L'Université est aussi un univers d'individualités. Rares sont les endroits de collectif pour s'arrêter et faire autre chose. Pourtant l'art et la culture remplissent ces fonctions, celles d'agréger et surprendre les étudiants. Détails en vidéo.

Citons ici un autre terrain d’intervention de Danielle Pailler et Caroline Urbain, toutes deux chercheuses sur les médiations culturelles, en-dehors de l’Université. En suivant un projet – celui de l’intervention de musicien dans le salon d’habitants des Dervallières, à Nantes. Si la médiation existe, en amont et pendant la construction du projet, le seul médiateur pendant le moment artistique est le musicien lui-même. Il porte dans son projet l’art comme vecteur de médiation et de rencontre. Une expérience concluante qui déplace le regard sur des médiations incarnées par l’artiste lui-même.

Quand des comédiens créent des spectacles depuis le laboratoire de mathématiques avec le soutien de Samuel Tapie, maître de conférences, ou interrompent un cours pour déclamer un conte méditerranéen – un exemple d’intervention de Pierre Desvigne – on joue ici avec les rencontres décalant le quotidien. En en profitant pour nouer une confiance, une durabilité dans la construction de la relation : certains artistes revenant d’année en année pour expérimenter avec les publics de nouvelles formes d’action.

Cette confiance se créée aussi par la convergence d’une pratique chercheuse, aventureuse. Même ludique. L’artiste, le chercheur et l’étudiant apprennent à développer un protocole de recherche permettant la rencontre. Et si le détour est bien là – cela ne vient pas alimenter le travail disciplinaire tout le temps – il permet cependant de recomposer son regard. Et, pour la politique culturelle, cette ouverture grand-angle pour un public qui forme aussi son esprit entre 18 et 25 ans est un pari fait sur le développement de pratiques autonomes. Pour Alice Anberrée, chercheuse en gestion des organisations ayant récemment étudié le cas de la Direction Culture et Initiatives, il faut cependant se concentrer sur la porosité des propositions.

Des oiseaux de passages

Les résidences artistiques mettent à contribution les personnels et les étudiants. Tout en permettant à chacun de faire son nid à l'Université, pour découvrir, explorer et vivre.

Ce que résument d’ailleurs assez bien les étudiantes du Master « Médiation culturelle communication internationale », rencontrées pour évoquer leur travail de commissariat d’exposition dans le hall de la bibliothèque universitaire de Droit. Investir l’art et la culture comme vecteur de rencontre est pour elles, futures professionnelles, très exigeant. C’est bien cela qui crée la première rencontre, leur connaissance du sujet ; alors, on pourrait penser qu’en plaçant davantage d’items culturels et artistiques dans les formations et là où on ne l’attend pas, les publics touchés iraient en augmentant. C’est très exactement la dynamique poursuivie par la politique culturelle à l’Université.

C’est bien le propre des arts et des cultures. Chercher à toucher toujours davantage en infiltrant le quotidien, en s’adaptant et se modelant aux pratiques hétérogènes et parfois éloignées du travail artistique. Une humilité dans le rapport qui est à préserver, et qui dépasse largement les pratiques attentistes vis-à-vis du public.