« La culture est sans doute une somme de médiations »

À l'Université, les cultures et les initiatives se conjuguent au pluriel. Le pari ici : faire en sorte que les étudiants, les personnels, les artistes définissent ensemble les objets artistiques partagés par le plus grand nombre. Un équilibre fin entre une politique culturelle ouverte et garante d'une cohérence sur les campus.

L’université est le lieu de formation des compétences, mais aussi des esprits. La politique culturelle de l’Université de Nantes agit dans ce sens, en cherchant à lever les barrières mentales face à tel ou tel type de culture. À écouter Danielle Pailler ou Laurent Hennebois, il s’agit moins de travailler sur l’objet culturel que sur la manière dont il est amené au public – d’où la médiation culturelle. Un projet sous forme de work in progress donc, avec la subtilité d’avoir un public de passages, là pour quelques années, et pour étudier.

La médiation culturelle à tous les étages

Les forces en présence sont nombreuses. Artistes, chercheurs, médiateurs culturels… En fait, les contributeurs aux actions culturelles de l’université sont un peu tout ça à la fois. Pour favoriser une chose : le sentiment d’appartenance à cette « culture », qui dans sa définition même comporte quelque chose d’inclusif. Pour dépasser cette logique d’avoir ou pas cette « culture », l’université préfère parier sur une méthode simple : les vertus du collectif.

La culture est déjà là, en nous

Un pari simple : la culture est déjà en chacun des étudiants et des personnels de l'Université. Un objectif : la révéler, la construire et la partager par l'action culturelle. Une mission de la Direction culture et initiatives à détailler en vidéo.

Ainsi, on invente ensemble lorsque un metteur en scène, des techniciens sons et lumières – les « sondiers » et les « lighteux »accompagnent des étudiants, créateurs en herbe, vers leurs premières performances théâtrales. Ou lorsqu’un étudiant de pharmacologie en quatrième année s’attaque à sa blouse, plus jamais blanche, pour faire apparaître une représentation graphique d’une viralité sous le regard bienveillant de l’artiste Magali Babin. Danielle Pailler, durant l’entretien, évoque cette notion de « choc esthétique », celui-là même que la Direction culture et initiatives cherche à créer pour déplacer le regard.

Une culture du circuit court

On le sait. Elaborer une politique culturelle est par définition même une histoire de choix, de hiérarchie. Et là, l’accent est mis sur cette économie de la contribution, chère à certains spécialistes du genre. Cette économie cherchant davantage d’horizontalité, en définissant des idéaux sans s’éloigner d’en bas. Pour autant, comment penser ce rapport favorisant les pratiques ascendantes, alors que cette idée est portée par l’institution définissant la politique culturelle ?

Depuis 50 ans, et pour longtemps

Depuis la création de l'Université au début des années 1960, la culture trouve sa place dans des choix politiques forts, dont le TU-Nantes et plus récemment les deux mandats de Danielle Pailler. Retour en vidéo.

Une proposition de réponse vient de ce cercle vertueux. De substituer le rôle d’une direction – qui porte d’ailleurs ses multiples jusque dans son intitulé : « culture et initiatives » – à celui d’un carrefour d’idées, une plateforme d’échange. Après tout, les grandes idées ne sont pas l’apanage des directions, mais peuvent aussi émaner d’un tramway bondé de la ligne 2 ou devant une machine à café ; la productivité y est parfois redoutable.

Cette volonté politique forte ne doit cependant pas cacher une réalité. Celle de la difficulté à composer une palette d’actions culturelles avec un public de passage, et une frange conséquente de publics encore éloignés. Et cela ne passe pas forcément par davantage de communication, si l’on écoute les étudiants, le public cible. Déjà rompus à l’exercice du tri de flyers, ils préfèrent le rapport humain. Celui de la transmission, de l’échange avec l’autre, pour construire ensemble ce qui fera la culture, proche d’eux et de toutes celles et ceux qui la construisent.

À voir l’enthousiasme de certains adeptes des ateliers de découverte artistique ou culturelle, comme Cindie Potiron en vidéo dans ces entretiens, on perçoit immédiatement les retombées de ces actions. Dans l’émancipation, ou le choix décisif du futur professionnel. Mêmes retours lorsque la Direction culture et initiatives en appelle aux talents des personnels : le technicien Jean-Jacques Kerwich se révèle aussi poète, aux éditions foisonnantes.

Quel est le plus dur : pousser la porte la première fois, ou trouver les clés pour toucher un public ? À l’orée de ces témoignages regroupés pour ce documentaire, on comprend l’urgence d’intégrer des publics dans la gouvernance d’une politique culturelle. Encore aux prémisses de ce travail, la Direction culture et initiatives essaye depuis quelques années de faire contribuer des étudiants aux choix de programmation d’ateliers artistiques. On retrouve ici le rôle de la plateforme d’échange, qui se doit d’être poreuse pour refléter les envies et les besoins de chacun. La question se pose tout de même : comment assurer la mission présupposée d’ouverture culturelle ; en somme, d’éviter l’entre-soi ?

Pousser la porte pour la première fois

Tout est ici fait pour rendre possible l'accès à la culture. En commençant par interpeller les étudiants et les personnels dans leurs quotidiens. Une expérience sensible à partager tout au long de l'année, et à retrouver en vidéo.

C’est ce que pointe naturellement Alice Anberrée, chercheuse en gestion des organisations. Elle qui étudie d’ailleurs la politique culturelle de l’Université de Nantes, décrit cette priorité du « faire avec », mais jusqu’où ? Sans doute en construisant des moments, à l’image des résidences proposées, tout au long de l’année. Aussi en allant créer la rencontre, sans installer durablement les mêmes étudiants décisionnaires pour définir les possibles d’une culture universitaire.