Appuis : un laboratoire théâtral en équilibre

Les premiers pas sur les planches passent par le dispositif « Appuis ». Un laboratoire de jeunes créateurs et de comédiens confirmés qui viennent changer le regard sur la création contemporaine.

 

Le Théâtre Universitaire, devenu TU-Nantes, est un lieu de création contemporaine. On y vient pour assister à une programmation fine, parfois élitiste pour certains étudiants rencontrés dans les différents entretiens menés pour ce documentaire. Mais on y vient aussi pour créer son premier spectacle. Fini le club théâtre du lycée ; créer une pièce à l’Université de Nantes, c’est le faire sur un plateau et avec des professionnels.

Ce projet a un nom. « Appuis », comme ceux que l’on apprend à prendre en sport collectif pour éviter le déséquilibre. Pourtant, il est bien question d’équilibristes, pour ces étudiants et auteurs qui découvrent leurs premiers pas sur les planches avec « Appuis », jusqu’à la représentation. Auréolé d’une bonne reconnaissance auprès des étudiants, ce projet animé notamment par Marie-Laure Crochant, metteure en scène et comédienne, agrège donc un public venu des campus Tertre et Censive, sis à quelques encablures du TU-Nantes. Aussi des étudiants « à temps partiel », déjà animés par la passion du théâtre – et moins par la perspective d’une licence – qui trouvent ici un abri agréable pour se construire une expérience, en parallèle des Beaux-Arts ou d’autres cursus artistiques à Nantes.

Les premiers pas sur les planches

Du théâtre, et de la technique. « Appuis » mise sur l'expertise de professionnels du spectacle pour accompagner la jeune création, celle des étudiants. Un dispositif humble mais ambitieux : détails en vidéo.

La frontière est fine. Entre l’exercice en conditions réelles, qui pourrait amener cette fonction de formation professionnelle, et une prétention plus réduite : celle d’ouverture artistique et culturelle. À écouter certains participants lors d’un débrief d’après séance, on comprend vite qu’il est surtout question d’engagement individuel au sein d’un collectif, pour éventuellement poursuivre une jeune carrière dans d’autres formations proches de Nantes, comme la Faculté d’Arts du spectacle de l’autre capitale bretonne, la ville de Rennes. C’est le cas de Marion Lenevet.

Vice et Jean Genet

Elle n’a pas commencé par le théâtre, mais par l’Odontologie. La maquette de mâchoire, posée dans un coin de l’appartement de centre-ville, lieu de l’entretien, témoigne de ces années passées. Cette jeune artiste a eu ce statut de « bonne élève » dans « Appuis », que l’on ne fait qu’une fois. Elle l’a fait deux fois. Pour asseoir un peu plus son écriture en partant de Jean Genet, puis en créant sa mise en scène – une courte pièce sur le couple où se mêlent la prose de Vice et la dramaturgie de l’auteur des Bonnes.

Jean Genet est un bon médiateur. Par ce prisme, Marion Lenevet et Marie-Laure Crochant, toutes deux présentes dans les entretiens associés à cet article, se sont rencontrées par l’œuvre du dramaturge français. Avant de développer une solide complicité, un regard croisé par les projets tuteurés au long cours avec « Appuis », qui amène de jeunes auteurs à concevoir la création d’une pièce comme un tout, et non comme une participation soliste d’un comédien.

De la scène à la mise en scène

Faire des choix, et construire son regard. Avec « Appuis », il ne s'agit pas uniquement de jouer. Mais aussi de mettre en scène sa propre création : un chemin suivi par Marion Lenevet, jeune comédienne remarquée du projet Appuis : interview.

Un passage de la scène à la mise en scène. À écouter la comédienne tutelle d’« Appuis », nombreux sont les étudiants à venir pour jouer la comédie. Moins pour la mise en scène. C’est pourtant une dimension essentielle qui participe de l’émancipation des jeunes auteurs vers une pratique autonome. Une volonté liée à la politique culturelle développée par l’Université de Nantes. Ainsi, on apprend la création d’une association, l’architecture complexe du financement du théâtre contemporain et son corollaire : la mise en scène. Tout ça dans un TU-Nantes en renaissance, notamment avec le projet « 2016 comme possible ».

Un laboratoire en équilibre

Sans doute la partition la plus complexe, sur laquelle Marie-Laure Crochant s’attache le plus. En cause : les sorties de l’incubateur « Appuis » et la reconnaissance du dispositif. Les premières scènes sont aussi les premières erreurs, celle de la copie facile ou de l’inspiration asthmatique. En somme, il s’agit de doter les jeunes participants de leurs propres codes de mise en scène, de représentation et de références théâtrales.

S’appliquer à créer reviendrait donc aussi à cultiver une toile de fond sur l’histoire du spectacle, l’histoire de la dramaturgie, pièce manquante d’« Appuis », qui se concentre sur l’apprentissage en faisant et en expérimentant. Cette dimension est peu explorée en raison de la volonté de ce projet de ne pas remplacer un enseignement disciplinaire et universitaire, mais de rester cet aiguillon extérieur qui permet à chacun de se construire un regard.

Impossible n'est pas 2016

Le TU-Nantes voit loin avec « 2016 comme possibles » ; autour de la création de Didier Ruiz, 18 jeunes participent à une aventure collective faite d'écoute et de questions. Résultat à voir en avril au théâtre universitaire qui s'offre par là-même de nouveaux caps.

Sans logique d’amateurs et de professionnels. En participant à cette création tuteurée, les étudiants trouvent en face d’eux des exigences techniques, des contraintes créatives qui sont celles du spectacle vivant. En associant professionnels et amateurs sans valoriser l’un plus que l’autre, on trouve ici un laboratoire en équilibre, qui vient nourrir les pratiques des intervenants et celles des jeunes auteurs. Avec comme moteur, la rencontre.