L'art est ce qui rend l'Université plus intéressante que l'art ?

Inviter les artistes dans les disciplines enseignées, c'est faire de l'art une variable incontournable de la vie universitaire. Et chercher, sans cesse, à faire un pas de côté.

Il ne suffit plus de prêcher des convaincus. Pour la Direction culture et initiatives, l’art est une variable incontournable d’un projet universitaire. Inviter les arts et les cultures autour de la table lorsque l’on pense un projet pédagogique, c’est aussi prendre en considération des manières de repenser la transmission des savoirs et des compétences.

La Direction culture et initiatives s’attache à résumer sa pensée en triangle, si possible équilatéral : des acteurs internes se mobilisent, en lien avec cette direction, avant de travailler avec des partenaires extérieurs. Cette triangulation permet l’échange pour Danielle Pailler et Laurent Hennebois, et serait garante d’ailleurs d’un aller-retour permanent entre la recherche et l’action. Un projet qui s’incarne notamment lors des résidences d’artistes sur les campus, et parfois là où on ne l’attend pas.

Les laboratoires créatifs

Un peu partout sur les campus, naissent des laboratoires éphémères d'où sont inventées les expériences à vivre, celle d'une culture hors les murs : détails en vidéo.

Le virus de l’art

Magali Babin est artiste. Récemment, elle encapsulait du vin rouge sous forme de Doliprane, ou créait une crème esthétique avec l’eau de Loire. Déjà, des processus qui vont vers la pharmacologie. C’est ainsi qu’elle est invitée dans l’Unité de Formation et de Recherche de pharmacologie pour, pendant quatre mois, travailler avec les étudiants et une enseignante chercheuse. En apportant sa pratique et son regard d’artiste aux étudiants, elle apporte aussi un pas de côté dans la manière même de penser la pratique de futurs professionnels de l’industrie ou de chercheurs. Une mise en scène donc, de l’objet de savoir. Cet exemple est riche de sens, pour l’Université comme pour l’artiste, qui voit en ce projet une manière de « permettre la création dans un lieu inattendu » ; loin de l’atelier, hors les murs, on apprend un protocole de travail différent, pour des objectifs somme toute assez semblables : ceux de la recherche et de la création. Une manière différente de faire passer la pilule ?

De bonnes contagions

Le pari surprenant de l'art en pharmacie est une réussite : celle d'allier les pratiques aventureuses aux enseignements de quatrième année. Plus d'informations avec ces deux capsules vidéos.

Pour les professionnelles expertes de la culture, rencontrées dans le cadre de ce documentaire, il s’agit aussi d’ouvrir de nouveaux chapitres à l’action culturelle dans les enseignements. Que l’on soit à la Direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, ou le Fonds régional d’art contemporain, le FRAC, on joue les têtes chercheuses pour trouver de nouvelles manière de faire sens dans une politique d’action culturelle. En étant sûr d’une chose : imposer les arts et les cultures sans faire contribuer un public étudiant, cela ne fonctionne pas. Faire contribuer serait la voie vers une sensibilisation plus forte, une ouverture supplémentaire.

40000 étudiants pas si captifs

 

Lucie Charrier, au FRAC, et Cécile Duret-Masurel, à la DRAC, sont toutes deux en charge des publics pour leurs institutions respectives. Et voient donc en l’Université et ses 40 000 étudiants, un acteur central pour toucher un public que l’on ne touche pas, qui ne viendrait pas se frotter facilement aux arts et aux cultures promus par l’institution. Faire contribuer à un processus artistique, ce serait donc impliquer et amener à autre chose. Ce « supplément d’âme » amenant à voir en la pratique artistique une « pratique citoyenne ». Une fois la démonstration passée, il revient de préciser quelques termes.

Notamment de cette pratique citoyenne, sans doute difficile à incarner tant les arts contemporains se concentrent parfois sur un hermétisme synonyme dans certains esprits de gage de qualité. Alors, pour faire sens et ouvrir à d’autres, il est question de revoir les dogmes, les points de départ. En commençant par faire revivre certaines pensées, de Fluxus cité par Marina Pirot – en charge de la réalisation d’une résidence d’un an sur le campus il y a quelques années – à Robert Filliou, revenu dans les éléments de discours de Louise Hochet, coordinatrice de la résidence « Art vivant Art utile » sur les campus de sciences humaines.

Un besoin manifeste

L'art est un rouage essentiel pour faire société sur les campus. Un art vivant, partageur et généreux qui est repris au-travers du manifeste pour « un art de vivre coûte que coûte ».

La jeunesse adulte

« L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » pour Robert Filliou, et sans doute aussi pour les professionnels des arts et de la culture chargés de définir des incarnations au projet pensé par la Direction culture et initiatives. On pourrait d’ailleurs paraphraser la citation, en pensant que l’art rendrait l’Université plus intéressante que l’art. Et s’applique à tisser des liens surprenants, en décalage, pour changer le regard sur l’acquisition de compétences.

Cécile Duret-Masurel, conseillère à la Direction Régionales des Affaires Culturelles, commente d’ailleurs la manière fine dont on peut penser le lien entre l’enseignement universitaire et l’action culturelle. Toujours dans une dynamique de toucher un public pensé comme captif – ce qui n’est pas le cas de la Direction culture et initiatives, elle-même en recherche de moyen d’atteindre les étudiants – elle insiste sur le fait de juxtaposer la pratique artistique à une unité d’enseignement, d’ailleurs validée par une note. Une approche partagée par Vanina Andreani, en charge de la valorisation du fonds régional. Au centre : la formation des esprits, et un âge charnière, la jeunesse adulte, pendant laquelle on imagine que les étudiants peuvent facilement découvrir, profiter de la licence ou du master pour voir grand-angle. Dans ce mouvement en miroir – des étudiants s’approchant de l’art et des artistes s’approchant des étudiants – il serait plus facile de trouver un terrain commun : celui de la création collective.

Un équilibre d'art et de recherche

L'un ne peut vivre sans l'autre : art et recherche se croisent sans cesse sur les campus, encouragés par l'équipe de la Direction culture et initiatives : exemples en vidéos.

Que génèrent ces propositions artistiques auprès des étudiants et des chercheurs ? Pour Samuel Tapie, chercheur en mathématiques, il faudrait surtout s’attacher à la création commune. Lui a commencé en accueillant des comédiens, expérience reconduite d’années en années depuis cinq ans. Passée la découverte, et l’impromptu, il fallait cependant relancer la dynamique, trouver des débouchés concrets à cette collaboration avec la Compagnie des ateliers du spectacle. Et si cela n’alimente pas sa recherche à proprement parlé, cela alimente le métier de chercheur. Celui de contribuer à la diffusion de ses travaux, et l’art agit comme pivot. Celui qui agrège, compose et montre en faisant le pas de côté, pour toucher ce fameux « grand public ».