Pour « vivre ensemble », faisons ensemble

Les politiques ont intégré la dimension de contribution dans leur développement. Faire-valoir ou réelle innovation ? Réponse composite à découvrir en vidéo.

La culture est politique. Il en va d’une dimension supplémentaire donnée aux concepts – sans doute à réinvestir – de citoyenneté et de démocratie. La médiation culturelle, prisme par lequel penser les liens des publics à la culture, est pour la Direction culture et initiatives un cadre à penser le rapport à l’altérité et la découverte. Cette manière de considérer la chose culturelle – loin de la valorisation d’un patrimoine, puisqu’il est ici vivant et à construire par les rapports humains – amène de fait la considération des publics dans le fait de « faire culture », imaginer les suites à donner à une volonté politique aujourd’hui incarnée par Danielle Pailler, et mise en forme par l’équipe de la DCI.

La politique peut être aussi inclusive qu’exclusive ; mais elle doit être représentative des usages et des forces en présence. À l’Université, ce sont 38000 étudiants et un nombre conséquent d’enseignants-chercheurs, de personnels administratifs qui sont amenés à inventer ensemble le patrimoine présent et futur d’une culture de passage, puisque les campus sont autant de pistes de décollage vers le monde professionnel, la recherche, et ces précieux à-côtés artistiques. Face à un idéal démocratique – celui de la « citoyenneté culturelle » pour une « démocratie culturelle » – les politiques culturelles, et en particulier celle de la Direction Culture et Initiatives, essayent de tendre vers la politique de contribution des publics comme préambule d’un modèle pour vivre la culture au jour le jour. Mais dans les faits, quels sont les changements ?

La politique, tout un art

Souvent, les étudiants sont des oiseaux de passage. L'Université de Nantes se doit donc d'être une bonne piste de décollage vers des terres artistiques et culturelles. Détails en vidéo avec Danielle Pailler.

Alice Anberrée est chercheuse. « Post-doc », après l’obtention récente de son doctorat en gestion des organisations culturelles. Elle qui a étudié de près quatre institutions culturelles dont la Direction Culture et Initiatives, donne un éclairage supplémentaire pour aborder la question de la contribution des publics à la réalisation d’une politique culturelle.

Le premier éclairage à retenir est simple : on fait contribuer les publics aux créations, pas aux décisions. Les publics restent en position consultative, sans être partie prenante des choix politiques qui seront ensuite traduits en ateliers, résidences, conférences… est-ce si dérangeant ? La réponse est complexe : il en va en réalité de la prise en compte des publics dans l’influence des décisions, et donc leur légitimation. C’est parfois dérangeant, dans certaines directions prises par d’autres collectivités locales, qui invitent aussi des artistes en résidence, dans un quartier par exemple. Ici, les publics cibles – habitants – ne sont pas écoutés dans la décision de faire venir tel ou tel artiste, le choix relevant d’une équipe mise en place pour développer un projet de territoire. Les résultats sont hétérogènes, avec un sentiment d’appartenance peu important : pourquoi contribuer à quelque chose que je n’ai pas choisi ? Les choses sont légèrement différentes à la Direction culture et initiatives, avec l’ouverture d’un « groupe culture », chargé de formuler des propositions.

Mais on reste dans le consultatif : les propositions émanant de ce groupe restant sujettes à un nouveau débat dans les prises de décision de l’institution. Avec, une prise en compte des besoins quand ils restent simples, et possibles : un atelier chant, ou une résidence théâtrale trouve souvent écho. Lors de la réalisation de ce documentaire, une quinzaine d’étudiants se sont retrouvés pour exprimer leurs envies sur la culture à l’Université. Et, de manière assez étonnante, on évoque moins un atelier précis, qu’une envie essentielle d’un lieu de rencontre ou un « coin détente », un lieu sans usage particulier. D’ailleurs, ces étudiants se retrouvaient sans but précis, à part pour boire un café et pourquoi pas penser à des « choses à faire ». Serait-ce une piste de réflexion à envisager, celle du laisser-faire, sans normer un projet comme étant culturel, ou artistique ?

La démocratie culturelle ?

Pour l'équipe de la Direction culture et initiatives, il s'agit de refaire société. Par l'art. En redonnant une place à toutes et tous dans la création d'une culture partagée. Des vœux exprimés en vidéo.

C’est une approche plébiscitée par Louise Hochet et Marina Pirot, toutes deux aux manettes de résidences pour l’Université de Nantes. Cette importance première de la rencontre, du processus qui engrange les possibles formes artistiques serait déjà de l’art, en soi. Sans chercher une finalité autre que celle de l’interaction.

Insister sur une notion bien développée par Danielle Pailler et l’équipe de la Direction culture et initiatives est fondamental. Chacun est doté d’un potentiel créatif, et il n’est pas question d’éducation culturelle et artistique. Chacun peut donc contribuer, de sa posture, à un chantier ouvert et collectif. Cette hypothèse de départ s’est avérée juste : à voir l’effervescence des étudiants de pharmacologie au contact d’une artiste contemporaine, Magali Babin, pour représenter artistiquement des infections, on perçoit d’emblée la bonne idée du projet. Et les exemples sont à chercher ailleurs : dans la réalisation de l’agenda culturel par les étudiants avec Fragil, des premières mises en scène avec Appuis… là où les portes se sont ouvertes, les expériences semblent avoir trouvé un sens, au-delà des concepts de « démocratie culturelle ».

De bonnes contagions

Le pari surprenant de l'art en pharmacie est une réussite : celle d'allier les pratiques aventureuses aux enseignements de quatrième année. Plus d'informations avec ces deux capsules vidéos.

Cette politique culturelle peut prendre d’autre visage. L’institution culturelle – représentée dans ce documentaire par le Fonds régional d’art contemporain, la Direction régionale des affaires culturelles – insiste avant tout sur ce choc esthétique à créer, à encourager même. Et dans le discours, revient souvent la notion du « hors les murs » ; de créer ici ou là, et laisser l’art prendre là où on ne l’attend pas. Cette urgence, décrite par les responsables des publics, de continuer à créer la médiation culturelle et artistique, serait aussi garante d’une société apaisée et ouverte. Cette mission culturelle ne doit pas pour autant prendre uniquement à sa charge un défi plus grand : celui de réinterroger les postures – celle de l’artiste, de l’étudiant, du chercheur et du citoyen – face à ce bien commun, pourtant immatériel : la culture forgeant le débat, et la contradiction.